Tout les utilisateurs de Skype connaissent le service Skype Out, qui permet d'appeler des numéros de téléphone dans le monde entier. Le retrait de Skype d'un certain nombre de marchés, dont la France, n'est-il pas significatif que le modèle économique de Skype est un peu "out" ?
Une chose que je n'ai jamais comprise, c'est comment une société pouvait baser son modèle économique sur ce qu'elle prétendait elle-même détruire ? Skype expliquait qu'elle attirait des utilisateurs par la possibilité de se parler gratuitement dans le monde entier et qu'elle les transformerait en clients en leur proposant de payer pour appeler des numéros traditionnels - ceux-là même qu'elle prétendait faire disparaitre ! On imagine assez bien la situation schyzophrénique de l'utilisateur de skype, qui après avoir convaincu ses amis de passer à Skype, se mettrait à les appeler sur leur téléphone fixe...
D'ailleurs quel est le profil de l'utilisateur de Skype ? J'ai fait une étude de marché très poussée, consistant à écouter une voisine de siège dans l'Eurostar, qui expliquait à des quadras comment elle utilisait toutes les messageries disponibles :
- MSN pour parler avec les copains
- Yahoo ! pour parler avec ceux qui n'ont que cela
- Skype pour le travail
Cela résume assez bien le positionnement de Skype, qui a su attirer des personnes utilitaires, un peu déboutées par le coté ado de MSN et appréciant la simplicité et l'efficacité de Skype. En sorte, moi (skype:jsoulier), qui l'utilise uniquement mais régulièrement pour le travail.
L'ennui, et cela a été souligné, est que Skype souffre d'un manque de compétitivité, en tout cas sur le marché français. Par exemple, un appel vers les fixes sera facturé 2c/mn plus un coût d'établissement de 4,5c, alors qu'il est gratuit vers 25 à 40 destinations sur les box. De même l'obtention d'un numéro de téléphone avec messagerie coûtera 45€/an sur Skype, alors qu'il ne coûte que 15€/an sur Wengo et est inclus dans les box.
Dernier problème de ce modèle économique qu'on ne peut pas appeler "vertueux", c'est qu'il est linéaire et non géométrique, c'est à dire que le profit est limité car les coûts sont proportionnels au chiffre d'affaires, pour chaque minute vendue il faut payer une minute à un opérateur qui l'acheminera.
Conséquence, le modèle de Skype ressemble à une courbe où la différence entre les recettes et les dépenses augmente surement, mais lentement, et donc justifie mal une valorisation importante (4 mds de $ payés par e-bay il y a deux ans, pour un bénéfice au dernier trimestre de 3 millions).
C'est bien le contraire du modèle "vertueux" d'un service où la forte croissance des recettes se fait sur la base de coûts augmentant raisonnablement avec le nombre d'utilisateurs mais pas avec le nombre de transactions. Un bon exemple est Google, et on voit bien où il faut mettre son argent.
On pourrait m'objecter : "mais pourquoi tant de haine ?" pour un service aussi utile et adopté par des millions de gens. Non, certainement pas de haine, car comme je l'ai dit je suis un fan et un utilisateur régulier.
Je prédis que Skype va chercher un business model où les revenus ne sont pas proportionnels aux coûts. Par exemple, il va investir plus massivement dans les mobiles, dans l'espoir de vendre des licenses aux constructeurs. Il va également miser sur la mise en relation payante, avec e-bay. Mais surtout, il va introduire de multiples fonctionnalités et de la publicité sur son interface utilisateur, et devenir graduellement un clone de MSN...la question est : resterons-nous sur Skype quand il aura abandonné sa simplicité originelle ?